Soigner un confrère

 17 février 2022
 Dr Vincent Pluvinage


Une situation qui devrait être plus fréquente qu’elle ne l’est actuellement puisque bon nombre de médecins sont encore leur propre médecin traitant.


Il est pourtant acquis qu’il nous est bien difficile de soigner un membre de notre propre famille, l’aspect émotionnel prenant une part beaucoup trop importante et pouvant fausser notre jugement et nous affecter.

 


Alors pourquoi ne pas raisonner de façon similaire avec notre propre corps, notre propre esprit ? Par manque de temps ? Par négligence ? Par politique de l’autruche ? (Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais).

 


Quoi qu’il en soit malheureusement dans certaines situations critiques, parfois uniquement dans l’urgence, un confrère a besoin d’un autre confrère pour une prise en charge médicale ou chirurgicale.

S’installe alors une situation complexe soignant-soigné, aussi bien pour l’un que pour l’autre.

 


Un médecin atteint d’un cancer par exemple n’a pas d’autre recours qu’une prise en charge pluridisciplinaire avec, aux commandes, un confrère oncologue, confrère spécialiste ayant un niveau de compétence dans ce domaine certainement supérieur au sien. Il a déjà certainement fait des recherches afin « d’appréhender » son nouveau statu de malade. La composante anxiogène légitime à tout à chacun dans cette situation s’exacerbe chez un confrère-patient qui a donc accès à un niveau de connaissance élevé pour lequel son état émotionnel n’est pas forcement préparé. Il en découle une attente scientifique certes mais également emphatique , malheureusement souvent, non suffisamment verbalisée ou peut être non entendue par le confrère traitant.

 


Le lâché prise dans ces situations est difficile mais il devrait être un principe fondamental, se désengager de sa prise en charge médicale au profit d’un autre confrère, quitter le statut de médecin-patient pour endosser celui de patient-médecin. Accepter de ne pas tout savoir, accepter de ne pas vouloir forcement tout savoir et faire confiance.

 


Un statut de patient-médecin qui n’est pas facile mais celui de médecin-traitant ne l’est pas non plus. Quelle position adopter avec un confrère ?, Que sait-il déjà ? Que veut-il savoir ? Va-t-il discuter ou mettre en doute les choix, les décisions ?

 


Une situation en théorie complexe mais qui en pratique ne devrait pas l’être si tous les protagonistes acceptaient les enjeux et leurs positions de patient-médecin pour l’un, de médecin-traitant pour l’autre. Un patient-médecin qui accepte de privilégier son statut de patient et un médecin-traitant qui prend en charge ce patient en n’oubliant pas qu’il s’agit aussi d’un médecin, d’un confrère avec toute la confraternité et l’empathie que notre code de déontologie nous recommande.

 

Dr Vincent Pluvinage