Un projet de vie familial et professionnel pour lutter contre les déserts médicaux

 18 octobre 2017
 J.L. Clouet


« Désert médical », cet horrible aphorisme est le sujet d’un grand nombre de rapports plus ou moins intéressants depuis plusieurs années. « Désert médical » il n’y en a pas et il n’y en aura jamais mais il faut constater l’abandon par l’Etat et les collectivités territoriales de pans entiers de notre territoire au profit du développement des grandes métropoles qui en sont à leur 1ere, 2e et voire même 3e couronne ! Il faut densifier les espaces urbains car les réseaux coûtent cher, la rentabilisation des équipements collectifs et leur inauguration soucient plus les élus que le confort de quelques pauvres malheureux perdus dans la ruralité.

http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dd17.pdf

Par exemple : en Pays de la Loire, 8,9% de la population est à plus de 30 minutes d’un service d’urgence. Une zone est dite fragile si la consommation baisse en dessous de 2,5 consultations par habitant par an, 2,5% de la population à moins de 10 minutes d’une pharmacie. Or, qui dit pharmacie dit souvent médecin.

Réflexion avançant, nos élites ont trouvé la clef à toutes les demandes de leurs concitoyens en terme de déliquescence du système de santé. Puisque le service public n’a plus aucun moyen financier et que nous en sommes à la fermeture de lits et l’avènement généralisé de l’hospitalisation ambulatoire, puisque nous constatons à longueur de journaux, la fermeture annoncée de telle maternité, de tel service d’urgence, le regroupement des unités d’urgence ici et là, alors faisons miroiter à ces élus que leur avenir tient en trois lettres : la M.S.P.

La Maison de Santé Pluriprofession-nelle : comment n’y avoir pas pensé plus tôt ? Elle était là sous leurs yeux. Les cabinets médicaux fleurissent dans notre pays depuis plus de 40 ans, ils fonctionnent, assurent des soins de qualité mais cette notion de regroupement va avoir un effet catalyseur sur les élus de proximité.

La profession, dans un réflexe qui m’échappe, va alors être en demande de subventions. Les médecins se plaignent de travailler trop et vont soumettre leur regroupement avec d’autres professionnels à l’octroi de financement. La réaction administrative était prévisible et va s’accompagner d’une débauche de grilles d’évaluation, de recommandations, de points d’étape, de statuts plus ou moins rocambolesques pour permettre à nos chers élus la mise sous conditions du versement de primes.

Les élus les plus prompts à la détente vont alors créer des maisons de santé sans même avoir les ressources humaines, sous la main pensant que les mânes célestes allaient leur assurer un avenir médico paramédical. Ces maisons resteront à l’état de murs et de pièces tristement vides et sombres. Ils répondront de leur incurie devant leurs électeurs.

Les plus malins (ou visionnaires) iront chercher et proposer à leurs professionnels locaux une occasion de pouvoir se regrouper, s’organiser un affectio-societatis en leur facilitant un exercice professionnel équilibré. Ils fuiront les propositions de subventions étatiques pour profiter de l’aubaine locale d’un regroupement à des prix qui leur permettent d’exercer honorablement leur profession.

Le rapport de la DREES que je vous invite à parcourir, pointe de façon pertinente le souci majeur de demande de conciliation entre une vie personnelle et une vie professionnelle et que la demande d’une incitation financière n’est pas du tout le souhait majeur. Au contraire, les professionnels s’intéressent beaucoup plus à l’environnement général : présence de paramédicaux, temps de recours à des experts spécialistes (pensons à l’imagerie, à la biologie, l’hôpital de proximité, la maternité…).

Nous ne sommes plus au temps du Dr Schweitzer (1875-1965) !

Notre région connaît un certain nombre de zones fragiles où les professionnels ont su s’organiser grâce au concours des conseils de l’Ordre, des élus locaux, de l’ARS.
En Vendée, des médecins se déplacent et vont consulter un jour par semaine à tour de rôle dans un village voisin ; en Mayenne, plusieurs cabinets médicaux distants se sont regroupés. Il faut pour intéresser les internes, nos futurs confrères, leur offrir un cadre professionnel digne de ce nom, mais aussi des possibilités de déplacement, de logement ponctuel. On ne peut exiger qu’ils fassent 50 km matin et soir pour venir une journée dans un cabinet. C’est le rôle des collectivités locales de proposer un logement temporaire à prix modeste ainsi que de favoriser ou subventionner des transports adaptés à l’éloignement. Les expériences de Creuse, de Lozère et de Corse prouvent qu’avec un peu d’imagination, quelques moyens, des étudiants trouvent un intérêt à venir au contact d’une médecine de territoire. Là où l’on ne veut plus salarier des médecins en fermant des établissements de proximité, il paraît paradoxal d’exiger de libéraux qu’ils s’y installent sans contrepartie ni accompagnement ? Rappelons que le GS dans les DOM est à 29,60€.

Nous ne serons pas les premiers, la compagnie Total a créé une marque de stations service ELAN pour quadriller le monde rural et assurer un ravitaillement en produits pétroliers aux zones isolées. Certes l’essence y est vendu 10% plus cher mais au moins il n’y a pas à faire 30 km pour se ravitailler (et notamment les professionnels de santé, infirmiers, kinés, médecins etc…).

Pour attirer là où l’Etat s’est désengagé de ses missions essentielles mais là où la santé de nos concitoyens nous importe, il faudra donc que tous les médecins, quelque soit leur mode d’exercice, y trouvent un intérêt, un projet de vie familial et professionnel avec les moyens qui leur permettent de le réaliser.

Docteur Jean-Louis CLOUET

clouet@west.bzh